Larmes
Pourquoi dans Plumes? J'avais envie. Même cela est discutable j'en conviens.
Je ne sais pas si ça vous est déjà arrivé (et ne vous le souhaite pas) mais je trouve assez particulier de pleurer dans le métro.
En général, l’envie n’est pas nouvelle mais face à ceux qui vous connaissent, voire qui causent ce sentiment, on se retient encore un peu. Les yeux brûlent, alors on abrège les au revoir, on lance la dernière phrase en se retournant puis on allonge le pas. Là, seule et la musique du baladeur plein la tête pour ne pas trop penser, la foule autours n’a plus d’importance. D’ailleurs, c’est à peine si la chose est remarquée ; des fois une personne lève ou tourne les yeux hors de sa direction et m’aperçoit, les yeux rougis par les premières larmes qui montent sans plus être retenues. Mais ils ont juste le temps de remarquer, de se concentrer sur cette jeune fille en pleurs, que la réalité de la foule rompt le contact fugacement crée et nous replonge chacun au rang d’inconnus solitaires.
Le train arrive. La place à côté de la fenêtre est la plus agréable pour se laisser tranquillement aller. Non pas à gros sanglots mais simplement à laisser couler les larmes. Un bras appuyé sur le rebord, les cheveux détachés et paradoxalement une espèce de bulle d’intimité se forme, qu’importe alors ce qu’ils peuvent penser autours, il n’y a plus aucune raison de garder le courage du stoïcisme.
D’ailleurs, c’est même amusant de sentir leurs réactions. Certains, gênés, me regardent avec compréhension et malaise: non on ne se laisse pas aller à pleurer dans le métro. Comme tous les lieux publics, il exige la retenue de tous sentiments jugés excessifs et mes larmes -comme une colère ou un rire sonore- leur semblent déplacées. Mais dans ce cas précis, il n’y a pas de critique, juste le constat de ma triste impudeur et la charité qui pardonne cet excès non contrôlé. Avec ou sans jugement de la part des autres voyageurs, j’y dénote toujours une certaine humanité qui fait les compatir.
D’autres me regardent simplement de temps à autre. Eux, ils compatissent vraiment, ils ne savent pas vraiment pourquoi, mais quand même. Alors, malgré l’heure tardive, la fatigue, on me lance un regard interrogateur « ça ira ? », on me glisse discrètement un mouchoir si je suis leur voisine, voire – rarement- on me demande pourquoi. Dans ce dernier cas, je résume de manière générale, les détails n’ont pas d’importance et ce serait les coincer que de les prendre pour des psy inopinés. Ils ne sont que témoins indulgents, je n’ai pas envie d’abuser de l'attention qu'ils me portent. Car mine de rien, face aux larmes, les gens deviennent plus humains, ma tristesse fait écho à celles qu’ils ont pu ressentir un jour et rares sont ceux à rester le visage fermé face au mien. Quand je sors, tous les attentifs me suivent du regard, je le sens, les larmes qu'ils devinaient, ils les voient sur mes joues ou mes vêtements. Mais je m'en moque et ne m'en cache pas, ils font partie du reste, de ce qui n'a pas d'importance. Le froid sur mes joues fait ressortir la chaleur des larmes, je visse mes écouteurs sur les oreilles et fonce vers la sortie.
/https%3A%2F%2Fassets.over-blog.com%2Ft%2Fcedistic%2Fcamera.png)