S2E11 : Cross-over
Aujourd’hui, croisière en double : je continue mon exploration de l’univers des parfums, en compagnie d’Ophélie qui se cherche un nouveau parfum et veut pour cela découvrir des senteurs différentes de ce à quoi elle est habituée. Nous avons commencé par un tour chez Frédéric Malle, afin qu’elle puisse sentir des parfums différents de ceux proposés au grand publique, et aussi parce que les vendeurs qui y travaillent sont très bien formé et agréables, on a pu discuter avec tout notre soul. J’y ai essayé :
French Lover : un parfum très masculin, légèrement
cuiré, mais surtout très boisé-conifère, avec un cèdre très vert, qui évoque
l’arbre vivant, pas le bois, associé à l’angélique. Même si je suis partisane
de la mixité des parfums, celui-ci est quand même pour moi plutôt un parfum
d’homme.
Nous sommes ensuite
allées au Bon Marché, où j’en ai profité pour découvrir la marque Tom Ford.
J’en ai essayé deux sur la peau :
Tuscan Leather : Entre cuir et daim, très fin, un peu poudré, qui ne masque pas totalement une certaine animalité. Mais cette animalité ne m’est pas familière, elle est… comme extraterrestre ? Ce cuir est issu d’un animal capturé sur la lune… Mais en même temps, il y a dans ce parfum une note que je connais, mais je n’arrive pas à l’identifier clairement. Aurais-je déjà croisé l’animal lunaire dans un rêve ? Ce parfum est un mystère pour moi, je le perçois, mais je n’arrive pas à l’appréhender. Il faudra que je l’essaye plusieurs fois pour réussir à l’apprivoiser.
Tobacco Vanille : Je suis de retour en terrain connu. Hmmm… Parenthèse : par comparaison, je me rends compte que Tabacco Toscano de Santa Maria Novella était très cuiré. Tobacco Vanille aussi, mais moins. Ici la vanille est plus gourmette, associée à du cacao et à de la fève tonka, peut-être du benjoin. Le tabac est très marqué, du tabac frais, odorant, ce qui donne à ce parfum un côté ambiguë, la vanille est très gourmande, mais ce n’est pas pour les enfants. Si ce parfum ne sent pas vraiment le rhum, il l’appel de tout cœur.
Le dernier parfum que j’ai essayé sur ma peau poursuit sur le même thème :
Spiritueuse Double Vanille de Guerlain : Un pas de plus a été franchi dans la gourmandise, cette vanille est vraiment très sucrée, comme une liqueur, rendue crémeuse par le benjoin. Plus de tabac ici, mais un fond boisé qui se fond dans la crème vanillée pour lui donner de la profondeur, et quelques touches de fleur qui lui donne de l’éclat. Une lecture différente est possible : le cèdre peut rappeler l’aspect d’écorce le la gousse de vanille, et les fleurs parsemées d’épices, sa fraicheur. Allez, rien ne vaut la comparaison, et j’ai justement des gousses de vanilles soigneusement conservées dans un tube hermétique. Elles ne sont plus de première fraicheur, mais au moins ce sont des vraies. Verdict. Les gousses sont moins sucrées, plus caramel-réglisse, et beaucoup plus boisées aussi. Elles n’ont absolument pas la fraicheur et le piquant des fleurs épicées, mais bon ça c’est peut-être dû au fait que justement elles ne sont pas fraiches. Donc autant pour ma comparaison précédente, nous avons ici soit une liqueur de vanille, soit une vanille fantasmée. Mais elle est très belle, un monument en hommage à toutes les vanilles.
Tests sur papier.
Chez Frédéric Malle j’ai découvert L’Eau d’Hiver, que ne connaissais pas encore car en générale je ne suis pas très attirée par les bouquets fleuris légers. Mais celui-là est très beau, très doux – bon, il y a de l’iris pour le côté poudré, de l’œillet, l’une de mes dernières marottes, et de l’héliotrope, qui avec son parfum d’amande amer rend tout de suite les parfums plus « cocon », « régressifs » pour employer le terme à la mode, aussi moi je dis l’héliotrope en parfumerie c’est de la triche. Je me base sur les souvenirs à la parfumerie, car là sur le carton, il est devenu une sorte de fleuri-réglisse, pas forcément désagréable, mais je me demande si ce n’est pas à cause du bouquin dans lequel je l’avais glissé. A essayer sur la peau donc.
Au Bon Marché j’ai commencé par prendre des mouillettes des deux nouveautés d’Honoré des Prés que je n’avais pas encore senti.
I Love les carottes : « Grand sourire ». Oui, les carottes ça rend aimable, j’en ai la preuve, la grande bouffée de carottes fraiches et sucrées qui ouvre le parfum donne le sourire. Des carottes qui révèlent plusieurs facettes : quelque part entre les carottes râpées et le jus carotte-orange avec l’orange légèrement sucré au début, puis quelque chose entre des carottes crues juste sorties de terre avec le côté racine de l’iris et le côté terreux du patchouli, et un carot cake onctueux à la vanille et l’aspect crémeux et poudré de l’iris. Il y a cependant une note qui me dérange, qui me rappelle le plastique… bon faudra que je l’essaye sur la peau.
Love Coco : Un départ de noix de coco fraichement ouverte, pas du tout sucrée, à laquelle se mélange petit à petit de la feuille de coriandre fraiche… Et là j’ai la révélation : j’ai déjà fait un plat indien qui mélangeait noix de coco (lait ou râpée ? je ne me souviens plus) et coriandre fraiche, c’était exactement ça. Avec le temps la coriandre s’atténue, la coco devient plus crémeuse, sans virer sucrée non plus, avec une touche douce, de la vanille je crois. Aussi à essayer sur la peau…
Enfin, dans ma découverte de Tom Ford, j’ai pris trois papiers.
Black Violet : Une violette au départ très - trop fruitée, mais qui s’atténue fortement avec le temps pour n’être quasiment plus sucrée au bout de quelques heures. Une belle violette sombre, assez poudrée, avec un fond boisé très présent (je dirais du cèdre, le site officiel parle juste de bois et de mousse de chêne). Dans mon répertoire olfactif, je le situe un peu entre Love in Black de Creed et Cuir Améthyste d’Armani Privé. Et en fait je me demande à quoi ça sert que je fasse des tests sur papier puisqu’au final je me dis toujours qu’il faudra que je l’essaye sur la peau, dans le cas présent surtout pour savoir si le sucre reste ou disparaît.
Purple Patchouli : Un départ tonitruant du patchouli – mais j’ai l’impression que c’est souvent le cas des parfums où il occupe une place important, qui s’adoucie tout d’abord avec des notes fleuries (de l’orchidée, mais c’est le vendeur qui me l’a dit, je connais mal cette fleur) et fruitées. Il atterri ensuite sur un fond moelleux, baumé et ambré, tout en gardant l’aspect boisé (avec l’aide du vétiver) et un peu terreux du patchouli, renforcé par des épices.
Amber Absolute : Le départ était très aromatique, il ressemblait beaucoup à Ambre Sultan à mon nez. Mais là où l’ambre de Lutens évolue au milieu des arbustes, celui de Tom Ford pénètre dans les bois. Plusieurs heures plus tard, ce parfum me fait penser à Bois d’Encens d’Armani Privé ; il serait à l’ambre ce que ce dernier est à l’encens : un voyage de la précieuse matière dans une forêt tropicale et sombre – bon quand même moins sombre ici que chez Armani. Donc beaucoup de bois – santal, peut-être cèdre, patchouli – je suis loin d’être sûre de moi sur ce coup là, de l’encens (d’où aussi la pensée pour Bois d’Encens en fait), une toute petite touche de vanille très peu sucrée – existe-t-il des parfums dont l’ambre est la note principale et qui n’aient aucune touche vanillée ? Et là, miracle du voyage olfactif, la touche vanillée tire à elle des résines balsamiques, et ramène ainsi à Ambre Sultan. Voyage entre les forêts de l’Inde et le maquis Méditerranée, sous un soleil radieux.
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