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Ta Ouneshou
22 octobre 2010

Carnet de séjour au Caire 2

   Voici la fin de ma deuxième semaine de cours au Caire. Il y a eu quelques changements, provoqués par le retour de mes problèmes de dos. Leurs causes sont multiples : les cinq heures de cours assise sur une chaise, la climatisation, présente partout, les trajets en bus matin et après-midi pour aller à l'école... Je suis donc allée à l'hôpital El Salam qui est dans le même quartier de l'école, pour voir un physiothérapiste (c'est un peu comme les kinés, mais ils suivent la méthode américaine : recours à des machines – ultrasons, électrodes... plutôt qu'à des massages, car oh mon Dieu un homme qui masse une femme, mais ce serait indécent !). L'hôpital est bien, il y a très peu d'attente à l'accueil, la paperasse prend un temps raisonnable à être remplie, et j'ai pu avoir ma première séance immédiatement. Franchement c'est mieux qu'à Paris. Je suis donc partie pour douze séances de physiothérapie à raison de trois séances par semaine. Le docteur est sympa, il me fait répéter les dernières phrases d'arabe égyptien que j'ai appris.
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(L'hôpital El Salam est assez grand et est dispersé dans plusieurs bâtiments ; à gauche, le bâtiment où se situe le département de physiothérapie ; à droite, l'accueil du dit bâtiment.)

L'autre nouveauté, c'est que j'ai changé d'appartement : je réside désormais dans un appartement similaire au précédent, avec quatre chambres individuelles (mais l'on n'est que trois dedans), situé dans le même bâtiment que l'école. Je n'ai donc plus à subir le bus cahotant sur les dos d'âne pendant 15min le matin et 40min l'après-midi dans les bouchons. Ma nouvelle chambre et mon lit sont un peu plus grand que les précédents, c'est mieux aéré – ma précédente chambre était étouffante, il y a une baignoire, une cuisine plus grande.
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En revanche c'est plus bruyant car la chambre donne sur une rue où il y a de la circulation jusqu'à tard le soir et tôt le matin – mais en même temps mes anciens collocs de Dokki m'ont dit qu'il y avait un mur en train d'être abattu dans l'immeuble à côté du leur depuis deux jours et que le bruit était insupportable. Le système d'eau chaude est encore plus foireux que dans l'autre appartement et pour se laver les cheveux c'est galère, enfin mes deux nouvelles colocataires ont pris l'habitude de gérer séparément la nourriture – chacune son rayon dans le frigo, et au moins l'une des deux ne semble pas prête à changer ses habitudes. Mais bon je vais voir si je ne peux pas les amener petit à petit à des repas communs.

   Ce vendredi, je suis allée sur le plateau de Giza avec les francophones de la résidence de Dokki : Loïc, mon ex coloc français, et les deux filles de l'appartement du dessus, Hend, une allemande de père égyptien, et Delphine, une belge. Le début de la journée a été vraiment galère. Pour commencer, lors de mon trajet d'aller en taxi, un homme a convaincu mon chauffeur de le laisser monter à l'avant peu avant qu'on arrive au plateau. Je pensais qu'il voulais profiter du transport ; en fait il était là pour tenter de me convaincre de le prendre comme guide, et il a fait faire un détour au chauffeur pour nous amener vers la zone où il y a des chevaux et des chameaux pour aller jusqu'au pyramides. Il voulais me convaincre qu'il n'y avait que ce moyen d'accéder aux pyramides, alors qu'il y a un autre parking beaucoup plus près. J'ai fini par réussir à le virer, mais l'expérience était désagréable, et comme j'avais pris un taxi blanc avec compteur, ma note s'est vue augmentée de quelques livres. J'aurais pu exiger du chauffeur qu'il ne me compte pas ces livres, mais il ne parlais pas assez anglais et moi pas encore assez arabe pour qu'on puisse se lancer dans une négociation, j'ai laissé tombé. Après cela, il a fallu très longtemps pour que je retrouve les autres. Ils sont arrivés très en retard, alors que j'étais en avance, et surtout, leur chauffeur les a déposé à l'autre entrée, celle dont j'ai parlé plus tôt. Il a fallu plusieurs coups de téléphone et errements sur le site pour que je le comprenne et que l'on réussisse à se rejoindre à 12h.
   Après cela, la journée a été très bien, très détendue. Nous n'avons quasiment rien visité, mais nous nous sommes prélassés plusieurs heures à l'ombre de la grande pyramide, sous un petit vent frais. De là nous avons assisté au débarquement d'un car de popes !
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   Nous avons également fait les guignols sur des dromadaire. Je n'étais pas très chaudes pour m'adonner à cet attrape-touriste, mes les trois autres étaient enthousiastes et nous avons finalement bien rigolé.
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   Puis je suis enfin allée dans la pyramide de Khéops – entreprise qu'il faut prévoir, car il n'y a que 150 visiteurs autorisés par demi-journée, aussi nous étions retournés au guichet juste avant son ouverture à 13h. Et bien la grande galerie paraît beaucoup moins pentue sur le plan en coupe que dans la réalité. Dans la moiteur renfermée et peu oxygénée de la tombe monumentale, l'ascension était exténuante. La chambre funéraire, avec ses blocs de granite rouge rendus presque noirs par le manque de lumière, leurs joints si impeccables qu'on croirait une construction moderne, l'écho incroyablement puissant, avait un petit côté science-fiction. Mais je n'ai pas vu de Goa'uld dans l'énorme sarcophage de granit.
   Je regrette de ne pas avoir visité le mastaba de Séchemnoufer, le temple de la Vallée de Képhren, et le temple d'Harmakis (et le musée de la barque mais bon il était fermé donc ça je n'y pouvais rien) : le site ferme tôt, à 16h, lorsque le soleil commence à approcher de l'horizon. Nous avons pris la sortie près du sphinx afin d'avoir un petit aperçu de ce dernier dans le soleil couchant – son moment, puisque son nom égyptien est Horus dans l'horizon et qu'il incarne le soleil de l'aube et du crépuscule.
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   J'espère que j'aurai l'occasion de venir terminer ma visite pendant mon séjour.

   Ce soir je suis de nouveau dans un café chicha, près de ma nouvelle résidence. Le précédent était un endroit très chic, avec une joli décoration et une ambiance assez calme, où des cadres venaient se détendre ou parler boulot après leurs journées. Celui-ci est plus populo, plus jeune aussi, les gens jouent au cartes et parlent fort. Les serveurs sont très sympas et ne parlent pas un mot d'anglais, aussi je suis vraiment en pleine immersion arabophone. 2010_10_24_17 2010_10_24_21
Comme j'étais fatiguée, j'ai décidé de manger ici, et je ne le regrette pas : dans le précédent bar, la nourriture était vraiment minable, une vraie arnaque, ici elle est assez simple mais bien faite. J'ai ainsi découvert l'Om Ali, un dessert à base de lait, de sucre, de biscuit milles-feuilles et de noisettes (et je soupçonne aussi pas mal de beurre). Tout pour faire léger quoi. Je suis épatée par la capacité des égyptiens à créer de délicieuses choses culinaires très réconfortantes qui seraient parfaites en hiver sous nos climats septentrionaux, alors qu'ils ont un climat désertique.

   Finalement, je commence à vraiment aimé le Caire. J'étais venu avec le souvenir désagréable de ma visite d'il y a dix ans : une ville tentaculaire, bruyante, sale, pas accueillante. Et c'est vrai qu'elle est tout cela, mais je commence à sentir que j'en fait parti, à me fondre en elle. Et tous ces défauts ont quelque chose de fascinant. Le Caire est une ville pleine de contrastes, de paradoxes, qui invitent au lyrisme. Al-Qahira, la victorieuse, défigurée par l'urbanisme anarchique, souillée par la pollution. Une ville moderne, cosmopolite, mais qui n'a rien d'occidentale. Moi qui n'ai jamais été séduite par Paris, je commence a me laisser charmer par cette belle orientale contemporaine.
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   J'avais aimé Damas, mais elle est très différente : elle vie en harmonie avec son passé, dans sa continuité, alors que le Caire a mis sa glorieuse histoire en esclavage afin de la vendre sur une estrade aux étrangers. Et cela, cela continue à m'écœurer, mais le Caire ce n'est pas seulement ça. Une fois sorti des zones touristiques, une fois que l'on a fait oublier que l'on était un étranger, le Caire renoue avec l'hospitalité et la chaleur orientale. Je ne dirais pas que c'est son vrai visage : sa façade touristique est tout autant réelle et fait partie de son entièreté.
   Une beauté façon Charogne de Baudelaire, une fastueuse décrépitude, une souillure magnifique, quelque part entre la vie et la mort.

   Retour dans mon petit café. Comme dans celui de Dokki, des télés retransmettent Melody Arabia et ses clips les soirs où il n'y a pas foot. J'adore ces clips : ils sont d'un kitch consommé, avec des touches très 70's, et des scénarii... inénarables. Je vais quand même essayer d'en raconter quelques morceaux choisis, mais à l'occasion je chercherai si je ne peux pas en retrouver certains sur internet car il faut les voir.
   Il y a celui où la chanteuse et ses copines sont des pirates, avec des scènes directement inspirées de Pirates des Caraïbes. Il est à noté aussi que l'une des donzelles a le costume de la princesse Leïa dans sa période limaçophile. Le navire des fières amazones de la mer se fait abordé par une troupe masculine – quel symbolisme ! dont le chef, le vis-à-vis de la chanteuse, à piqué ses fringues à Jack Sparrow. Dans tous les clips ou peu s'en faut il y a un couple, mais le parèdre du chanteur ou de la chanteuse n'est qu'un faire-valoir. Notre Jack a donc un roleplay inférieur a celui d'un kraken, tandis que la chanteuse envoie ses œillades expressives à tout va. Comme je le disais, certaines scènes doivent beaucoup à la trilogie caraïbéenne. Ainsi l'on a droit à une scène de conseil des pirates autour d'une longue table rectangulaire. Cela mis à la sauce orientale, la chanteuse monte fièrement sur la table afin d'entreprendre une danse du ventre destinée à aguicher le Jack local, qu'elle fini par renvoyer d'un coup de pied. La fin du clip est amusant : une ficelle se consume et atteint un bâton de dynamite avec lequel joue un petit singe, mais au lieu d'un bel effet pyrotechnique ponctué de morceaux de singe sanguinolents giclant de tout côté, on a seulement droit à quelques images d'explosion en 2D façon Power-Point. En conclusion, le couple phare de l'histoire atteint une plage depuis la mer, les pieds dans l'eau, avec le même cadrage que dans le film contrefait, puis se retrouve allongé côte à côte – toujours le cadrage de PdC – et commence à se faire des bisous. La caméra s'éloigne pudiquement par un travelling latéral vers la mer. Générique – il y a presque toujours des génériques dans les clips arabes.
   Dans un autre clip, une petite fille feuillette un livre, peut-être un album familiale, ce qui provoque des flashback sur l'histoire d'un couple – ses parents ? - mais un couple qu'on retrouve à différentes périodes de l'histoire. Comprenons-nous bien : on n'a pas droit à des voyages dans le temps à travers des décors évoquant différents pays à différentes époques : c'est juste que le couple et le groupe de danseurs qui les entoure changent de costumes – des costumes ultra kitch reflétant une vision très approximative de l'histoire. On assiste ainsi à la rencontre  de César et deCléopâtre, le premier étant accompagné d'une sorte de garde prétorienne... féminine. C'est franchement tordant. On visite aussi la période ottomane, et à ce qui doit être une vision du futur, avec des costumes en cuir clouté et des effets pyrotechniques sur fond nocturne.
   L'un de mes préféré n'a pas un scénario aussi élaboré : on a juste la chanteuse entourée de danseurs. Mais toutes les trois secondes environ on change de cadre, et surtout de costumes, et quels costumes... Il y a la tenue en stretch blanc, pantalon moulant et haut à manches flottantes et col en V, la catsuit en sequin noir, la petite toge grecque dorée très très courte, etc.
   D'autres sont très communs. Un chanteur évoque le passé heureux avec sa bien aimée dans un présent visiblement fait de dispute. La bien aimée en question est, comme expliqué si-dessus, un faire-valoir : son jeu est calamaresque. Un autre est plus original dans le registre du pathos : une jeune femme enceinte parcours une grande maison et se remémore son enfance, pendant qu'un vieil homme assis dans un fauteuil – son père – chante en s'accompagnant d'un oud. L'on devine que la jeune femme avait coupé les ponts, mais à la fin père et fille se retrouvent avec émotion.

Je n'ai pas réussi à retrouver les clips pour l'instant. Il faudra que je me renseigne sur les noms des chanteurs.

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